La Grande Peste de la Shitcoinerie
Et les ravages inévitables du seigniorage moderne
À l’origine, le seigneuriage, également orthographié « seigneurage » en vieux français, découlait du droit du seigneur de frapper l’argent de son propre sceau. Cela offrait un bénéfice immédiat tiré de l’émission de nouvelle la monnaie grâce à un système d’intérêts. Ce fut longtemps une prérogative révolue des seigneurs et de la couronne que d’extraire une taxe sur l’émission monétaire, aussi appelé le « brassage ».
Autrefois, les lingots étaient apportés à l’hôtel de la Monnaie pour être frappés ou échangés contre des pièces utilisées pour le commerce. Les particuliers pouvaient apporter leur propre métal précieux, généralement de l’argent et de l’or, et l’institution monétaire frappait en retour des pièces de monnaie acceptée des marchands. Ce privilège était exclusivement réservé aux élites armées dotées de pouvoirs législatifs et exécutifs.
Aujourd’hui, le seigneuriage est un moyen courant pour les gouvernements du monde entier de générer des revenus sans percevoir de taxes conventionnelles, qui sont moins populaires auprès de leur électorat. Les seigneurs modernes de l’émission monétaire sont des banques centrales qui œuvrent avec des banques commerciales et des gouvernements émettant des emprunts dans un système bancaire à réserves fractionnaires.
Les monnaies fiduciaires nationales, telles que le dollar américain, l’euro ou le yen, sont protégées par les lois ayant cours légal. Cela signifie qu’elles sont reconnues comme un instrument approprié pour régler toute dette monétaire dans certaines juridictions. Il est généralement demandé aux résidents des territoires respectifs d’utiliser ces devises pour payer leurs impôts et faire du commerce. Les devises « fiat » (du latin par décret) ou fiduciaires, ne sont utilisées que parce que les individus n’ont pas d’autre choix légalement disponible.
Dans le système monétaire fiduciaire actuel, le coût d’émission de la monnaie est proche de zéro, ce qui est très rentable pour les émetteurs nationaux. Il n’y a plus de limite sur la quantité de monnaie pouvant être créée. La valeur des monnaies en circulation comme l’euro est anéantie, et engendre une baisse du pouvoir d’achat qui affecte tous les détenteurs de devises—des individus citoyens comme vous et moi. L’euro a justement perdu 85 % de son pouvoir d’achat par rapport à l’or depuis sa création en 1999.
Les monopoles disparaissent
Bitcoin a été révélé au monde en 2008 comme monnaie open-source. Loin des contrôles centralisés, il est sorti d’un coin sombre d’internet sur un forum cypherpunk. Tout comme Johannes Gutenberg a rompu le monopole du savoir contrôlé par l’Église en inventant l’imprimerie, Satoshi Nakamoto a anéanti le monopole de l’État sur le contrôle de la production monétaire. Alors que l’invention de Gutenberg a finalement ouvert le Siècle des Lumières avec une quantité insondable de renaissance intellectuelle et culturelle, l’invention de Nakamoto peut conduire à des bouleversements sociétaux encore plus radicaux.
Le langage et l’argent sont tous deux des moyens essentiels par lesquels les humains collaborent pacifiquement et devraient être libres de toute manipulation centralisée. Lorsque les marchés libres seront émancipés de restrictions artificielles, les individus et entreprises productifs pourront alors découvrir de nouvelles façons de faire émerger une société basée sur la liberté, la paix et la prospérité (mais cela fera l’objet d’un autre article).
Avec une existence relativement courte d’environ 12 ans, Bitcoin est souvent caractérisé comme une technologie ancienne, déjà obsolète. De nombreux récits ont été construits autour de ce protocole monétaire natif d’Internet, dans le but de donner une légitimité à des offres et monnaies concurrentes alternatives, fournies par des entreprises privées ou des particuliers.
- Ces projets sont-ils réellement en concurrence avec Bitcoin sur la base de leur supériorité monétaire ?
- Qu’est-ce qui attribue de la valeur à une monnaie ?
- Est-ce qu’une monnaie numérique peut être digne de confiance et fiable ?
- Sachant que les monnaies fiduciaires et les crypto-monnaies (ou monnaies numériques alternatives) sont sujettes à la censure, la centralisation, la manipulation, la corruption et la création monétaire à outrance, peut-on vraiment croire à un changement de paradigme avec les crypto-monnaies, aussi familièrement appelées « shitcoins » ?
- S’il est admis que Bitcoin ne fait que débuter son processus de monétisation en tant que monnaie pour le peuple et par le peuple, quelles sont les pistes d’évolution potentielles dans les 10 à 20 prochaines années ?
- La shitcoinerie est-elle un phénomène nouveau ou l’histoire se répète-t-elle tout simplement ?
- La shitcoinerie pourrait-elle être une bulle technologique surévaluée, alimentée par la cupidité, l’impatience et la mauvaise heuristique technologique ?
Dans ce bref essai, nous essaierons de disséquer la nature fondamentalement imparfaite des cryptomonnaies et autres monnaies numériques alternatives, d’étudier le bitcoin comme une évolution monétaire pragmatique contrairement aux récits de « révolution technologique » de la shitcoinerie. Nous tenterons de démontrer que Bitcoin n’est pas seulement la seule chance de dissocier l’argent de l’État, mais que ce changement est déjà bien avancé et inévitable.
Un vieux démon
Bien qu’encore invisible pour la plupart, et en plus d’agir comme une force positive de changement fondamental de la société, Bitcoin a globalement relancé un phénomène vieux de plusieurs millénaires : le désir irrésistible de contrôler la production monétaire et de s’enrichir de manière privilégiée. Comme l’histoire l’a prouvé à maintes reprises dans de nombreuses cultures et territoires distincts, le contrôle de la production monétaire est extrêmement rentable pour l’émetteur. Il est maintenant plus facile que jamais de devenir émetteur d’argent et de le distribuer à des millions, voire des milliards de personnes sous forme de crypto-monnaies. À ce jour, plus de 7000 crypto-monnaies ont été créées (et ce n’est pas fini), revendiquant leur supériorité pseudo-monétaire par rapport au bitcoin, ou fraudant ouvertement des acheteurs sans éducation financière avec des récits manipulateurs et mensongers.
La création d’une « crypto-monnaie » aujourd’hui ne prend que quelques minutes, ce qui réduit considérablement la barrière d’entrée pour les producteurs et émetteurs d’argent sous forme de cette dernière. Armés de discours marketing astucieux, de système d’affiliations rémunérateurs, de plates-formes de distribution mondiales sur internet, et parfois de manipulations artificielles frauduleuses du marché, ces « émetteurs de cryptomonnaie » peuvent tromper les particuliers, les entreprises et les investisseurs en leur faisant croire à une valeur légitime. La plupart de ces projets – sinon tous – sont des escroqueries mal avisées ou directement coordonnées à l’échelle mondiale, et dévastateurs.
La valeur marchande mondiale des cryptomonnaies équivaut à environ 100 milliards de dollars au moment de la rédaction de cet article. Cela représente un sous-investissement important de la part de développeurs, entrepreneurs, chercheurs et investisseurs impliqués dans ces projets. Une seule catégorie de personnes bénéficie de la shitcoinerie à long terme : les escrocs et bandits qui tirent parti de l’asymétrie d’information sur le marché.
Soyons clairs : les acteurs du marché libre devraient être autorisés à créer des entreprises sur ce que bon leur semble, tant que la fraude est tenue hors de l’équation, et dénoncée systématiquement. Le jeu de hasard que représente les plateformes d’échange de cryptomonnaies, communément appelés « les casinos de shitcoins », a été l’un des modèles commerciaux les plus rentables autour de bitcoin depuis sa création. Ce modèle a rarement été présenté comme tel, étant donné le manque de divulgation des risques pour les participants du marché.
En effet, cacher des informations aux consommateurs qui achètent des produits et services est un véritable problème. Aucune surveillance réglementaire n’empêchera les consommateurs d’être trompés, tant que les individus ne comprendront pas que le marché de l’argent est unique. Le marché de l’argent est le seul marché au monde à être un jeu à somme nulle, et simultanément gagnant-gagnant en termes de forme dominante éventuelle de monnaie. Et comme la monnaie représente 50% de chaque transaction dans le monde, la rupture des marchés monétaires peut être un problème d’envergure, aux conséquences considérablement négatives.
Une tempête de confusion
La désinformation mondiale, la détresse des marchés traditionnels et les jeunes générations financièrement délaissées qui s’effondrent sous le fardeau de la dette, forment une combinaison idéale pour l’essor de la shitcoinerie. Les fausses informations et les promesses mensongères au regard des monnaies numériques ou cryptomonnaies sont prédominantes. Il y a malheureusement encore beaucoup d’acteurs au sein de l’écosystème qui manipulent les masses de consommateurs avec des chroniques qui troublent ceux qui ne sont pas informés sur les services financiers et l’Histoire monétaire.
Avec une méfiance croissante à l’égard des marchés financiers traditionnels, les générations natives du numérique – la génération Z et la génération Y, notamment – souhaitent s’extirper de l’emprise des banques traditionnelles. Habituées à être choyées par un État-nounou grandissant, plusieurs générations sont déresponsabilisées et désillusionnées. Des rêveries trompeuses en tout genre alimentées par des récits flamboyants autour des cryptomonnaies portent à croire qu’il est simple de « voir les choses en grand » et de « réussir du jour au lendemain » afin de dégager rapidement un profit pour partir à la retraite à 25 ans. Avec des fondamentaux économiques fragiles, et les récentes poussées excessives des marchés boursiers dirigées par la vente au détail, les exemples de ces exubérances de fin de cycle sont nombreux.
La shitcoinerie fait appel au trait le plus néfaste de l’Être Humain, dont sa fierté l’empêche d’admettre qu’il en souffre : la cupidité. La cupidité peut pourrir l’esprit et transformer une personne honnête en un mouton myope, égoïste et insensé, suivant un troupeau qui s’enrichit sans lui. La cupidité provient de notre peur interne de faire face à un avenir incertain, et la shitcoinerie est la coupe dans laquelle nous buvons une éternité ambitieuse, prometteuse d’une illusoire richesse abondante—un mirage absolu.
Sans plonger dans les détails techniques de multiples implémentations de shitcoins, il semble correct de soupçonner que la plupart, sinon la totalité, de ces cryptomonnaies, réseaux, blockchain 2.0, protocoles ou schémas de Ponzi sont voués à l’échec dès leurs conceptions. L’axiome fondamental de la confiance réside dans la décentralisation pure, qui est une mesure binaire incontournable, et non un spectre, comme le prêcherait la plupart des shitcoiners.
Un système est décentralisé ou centralisé. La centralisation peut osciller sur un spectre avec une distribution relative, comme les relations maître-esclave dans un réseau informatique, mais cela n’a aucun rapport avec le sujet dont nous traitons. Pour boucler la boucle, la plupart des développeurs travaillant sur les shitcoins ont un contrôle incommensurable sur la politique monétaire de leurs implémentations, ce qui nécessite une confiance, et une exigence qui a été effacée par l’évolution que représente Bitcoin depuis plus de 10 ans.
Un darwinisme monétaire brutal
Bitcoin a été introduit comme une tentative de construire un système monétaire mondial en utilisant internet, la cryptographie, l’informatique en réseau et l’infrastructure des systèmes. Rien n’est nouveau dans Bitcoin, et la plupart des technologies utilisées pour créer et exécuter le protocole existent depuis plusieurs décennies. Une idée courante, mais pourtant fausse, est de supposer que Bitcoin est la première tentative de création de monnaie digitale. De nombreuses autres tentatives ont vu le jour dans le passé, puis ont péri.
Qu’il s’agisse d’E-Gold, Digicash, Liberty Reserve ou B-Money, de nombreuses implémentations ont été développées au fil des années, chacune ajoutant ses contributions à l’édifice qu’est Bitcoin. La différence fondamentale entre Bitcoin et Shitcoins réside dans sa nature absolument décentralisée, sa conception immaculée et le mystère qui plane quant à son architecte.
Bitcoin ne comporte aucune tête à couper, aucune équipe de direction à intimider, et aucun point central de défaillance. Il s’adapte à son environnement, aussi hostile soit-il, et devient plus résilient avec des mises à jour de protocole qui respectent ses assurances sans compromis. Bitcoin s’apparente à un organisme vivant, essayant de résister à l’épreuve du temps – la forme la plus pure d’anti-fragilité universelle.
« Le génie de Bitcoin, en inventant une monnaie digitale qui fonctionne dans le monde réel, n’est pas de créer de nouvelles mathématiques abstruses ou de percées cryptographiques, mais de rassembler des concepts vieux de plusieurs décennies d’une manière semi-nouvelle, mais extrêmement impopulaire. Tout ce dont Bitcoin avait besoin était disponible pendant de nombreuses années, y compris les idées de clés privées et publiques. » Essai influent de 2011 sur la technologie.
Les batailles sur le marché monétaire ne concernent pas les fonctionnalités technologiques incrémentielles, mais les propriétés monétaires fondamentales. Bitcoin est une évolution monétaire pragmatique, qui contraste avec les émetteurs de shitcoins que sont les crypto-monnaies qui nourrissent la fausse idée d’une révolution technologique. Les discours superficiels sur la « décentralisation du Web » ou « l’utilisation d’une crypto-monnaie pour la traçabilité de la chaîne d’approvisionnement » sont promus comme des substituts aux tentatives infructueuses de légitimer certains projets sur le terrain, qui étaient pourtant voués à l’échec dès leur naissance. Une image complexe est souvent utilisée pour déboussoler les particuliers et tirer parti du facteur de cupidité dont nous avons discuté précédemment.
Les shitcoins font écho à l’illusion de “s’enrichir rapidement” avec des rendements faramineux à court terme, cela accompagné de soi-disant innovations visant à changer le monde, qui ne sont en réalité autres que des supercheries puériles. La concurrence sur les marchés libres, offrant aux participants de choisir ce qui leur convient, permet à ces shitcoins d’exister de manière légitime. Leur existence controversée devrait être réfutée de manière triviale par le simple axiome de la vérité : le mensonge est une fraude, la fraude c’est du vol et le vol ne devrait pas se produire.
Bitcoin s’adresse aux personnes ayant des préférences de temps faibles, c’est-à-dire aux personnes qui réfléchissent à long terme, qui privilégient l’épargne à la consommation. Elles peuvent aujourd’hui trouver refuge dans les mécanismes de satoshis (1 BTC est divisible en 100 000 000 de satoshis) et ainsi sécuriser leur avenir dans un actif absolument rare, exclusif jusqu’alors, au temps lui-même. Bitcoin ne tend pas à permettre à quiconque de « devenir riches rapidement », mais plutôt à « ne pas devenir pauvre lentement ». Il agit ainsi comme une arme de défense contre le mal le plus singulier qui frappe le monde : l’inflation monétaire.
Réfléchissez à long terme, choisissez Bitcoin et évadez-vous. Soyez avides de connaissances et comprenez les maux de la haute préférence temporelle et de la spéculation dégénérée, qui pourrissent les cœurs, les âmes et les esprits des humains depuis la nuit des temps. Vous vous rendrez compte qu’il n’y a pas d’échappatoire : Bitcoin est inévitable, et les shitcoins périront dans un darwinisme monétaire brutal. Restez prudents quant au choix de stockage de votre temps dans un actif monétaire. Choisissez judicieusement !